Résolution sur la situation des droits de l’homme en République du Cameroun - CADHP/Rés. 395 (LXII) 2018

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La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, réunie en sa 62ème Session ordinaire tenue à Nouakchott, République Islamique de Mauritanie du 25 avril au 9 mai 2018 ;

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en  Afrique en application de l’article 4 (de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine);

Rappelant en outre sa décision dans la Communication 266/07Kelvin Mgwanga Ngume c. Cameroun dans laquelle la Commission a formulé des recommandations pour le règlement de la crise anglophone, demandant entre autre d’ abolir toutes les pratiques discriminatoires à l’égard des peuples du Cameroun du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; s’engager dans un dialogue constructif  (…), pour résoudre les questions constitutionnelles ainsi que les griefs susceptibles de menacer l’unité nationale ;

Ayant à l’esprit son Communiqué de presse du 29 janvier 2018 sur la situation des droits de l’homme en République du Cameroun, demandant entre autres de mettre un terme à l’utilisation de la force contre les civils non armés , le respect le droit à la liberté d’expression et à l’information, la liberté d’association et de réunion et le droit à la liberté et la sécurité de la personne comme énoncée dans la Charte ainsi que d’ initier un dialogue constructif, afin de mettre un terme aux souffrances des populations ;

Préoccupée par la détérioration continue de la situation des droits de l’homme particulièrement dans le domaine socio-économique et des droits de l’homme au Cameroun, depuis octobre 2016, suite aux répressions brutales des revendications et pacifiques des avocats, enseignants et membres de la société civile des régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, qui souhaitaient préserver l’application du système judiciaire et éducatif anglophone dans leurs régions, mettre fin à la marginalisation et obtenir une meilleure prise en charge de ces régions en terme de développement et d’infrastructures par  le Gouvernement camerounais ;

Gravement préoccupée par les allégations des disparitions forcées ; des détentions arbitraires  dans des conditions de détentions déplorables, de l’interdiction des manifestations pacifiques, de l’insécurité permanente avec pour conséquence le déplacement d’un nombre important de camerounais anglophones vers le Nigeria  et de plusieurs milliers de déplacés internes depuis le début de la crise, sans moyens de subsistance ni accès aux produits de première nécessité ;

Soulignant que le droit de participer à la gestion des affaires publiques (article 13), de disposer et bénéficier des richesses et ressources naturelles (article 21), de même que le droit à l’éducation (article17), la paix et la sécurité (article 23) sont garantis par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à laquelle l’Etat du Cameroun est partie ;

Rappelant également que le droit de réunion et de manifestation pacifique est consacré par l’article 11 de la Charte et que tous les citoyens camerounais doivent être traités de manière égale sans discrimination (article 2 de la Charte) ;

Déplorant la détérioration du conflit suite aux revendications des régions anglophones, qui réclament désormais la sécession du reste du Cameroun ;

Regrettant les nombreuses pertes de vie au sein des populations et des forces armées ;

La Commission:

1.     Condamne les diverses atteintes aux droits de l'homme commises dans le pays depuis octobre 2016;

2.     Condamne également la répression dont les défenseurs des droits de l'homme continuent de faire l’objet ;

3.    Demande que des enquêtes impartiales et indépendantes en vue d’identifier les auteurs présumés de ces violations, afin qu’ils soient jugés dans le respect de la loi, soient menées.

4.   Demande aux différentes parties de privilégier l’entente et l’unité nationale et de s’abstenir de toute initiative susceptible de rompre les grands équilibres sur lesquels le Cameroun est bâti ;

5.     Invite les différentes parties au dialogue en vue d’épargner les vies humaines et restaurer le calme,  la sécurité et la paix dans les plus brefs délais.

6.     Décide d’effectuer une mission générale de promotion des droits de l’homme en République du Cameroun en collaboration avec les autorités gouvernementales.

 

Adoptée lors de la 62ème Session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples tenue à Nouakchott, République Islamique de Mauritanie, du 25 avril au 9 mai 2018