La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), réunie à l’occasion de sa 23ème Session extraordinaire, tenue du 13 au 22 février 2018, à Banjul, République de Gambie ;
Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples en Afrique prévu par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (la Charte africaine) ;
Rappelant également les dispositions pertinentes de la Charte africaine, en particulier en ses articles 21 et 22, qui reconnaissent le droit de tous les peuples à leur développement économique, social et culturel et leur droit de disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles ainsi que le devoir des Etats de garantir l’exercice de ces droits ;
Ayant à l’esprit ses Résolutions, en particulier sa Résolution ACHPR/Res. 334 (EXT.OS/XIX) 2016 sur les Populations/Communautés autochtones en Afrique qui appelle les Etats à mettre un terme aux expulsions forcées des communautés autochtones de leurs terres ancestrales ;
Rappelant la Résolution ACHPR/Res. 367 (LX) 2017 relative à la Déclaration de Niamey visant à garantir le respect de la Charte africaine dans le Secteur des industries extractives et qui appelle les Etats Parties à veiller à ce que les droits humains et les normes de l’environnement et du travail soient dûment respectés et que les impacts écologiques et sociaux soient atténués ;
Préoccupée par les événements qui compromettent les droits de la Communauté sengwer dans la Forêt d’Embobut, dans l’Ouest du Kenya, notamment les attaques répétées et les expulsions forcées de ces populations de leurs terres ancestrales par des agents du Service kenyan des Forêts, à la suite de la mise en œuvre du projet de Protection de Water Towers, un projet de gestion des eaux financé par l’Union européenne ;
Profondément préoccupée par les allégations de graves violations des droits de l’homme enregistrées au cours des dernières expulsions, qui ont commencé en décembre 2017, en particulier les blessures par balle reçues par certains membres de la communauté Sengwer et qui ont occasionné le décès d'un membre de cette communauté, les destructions de biens par le feu et le massacre de leur bétail ;
Egalement préoccupée par les allégations selon lesquelles le projet est mis en œuvre sans consultation avec la Communauté sengwer et sans évaluation de son impact sur l’environnement et les droits humains des communautés Sengwer ;
La Commission :
Condamne les violations des droits humains de la Communauté sengwer ;
Exhorte le Gouvernement de la République du Kenya à :
i. Reconnaître et respecter les droits de la Communauté sengwer ;
ii. Mettre immédiatement un terme aux expulsions forcées des communautés touchées, notamment la Communauté sengwer;
iii. Veiller à ce que les Communautés touchées soient pleinement consultées et que les évaluations requises concernant l’impact sur l’environnement et les droits de l’homme des projets soient effectuées avant leur mise en œuvre ;
iv. Faciliter la délimitation des territoires sengwer de leurs terres et territoires ancestraux et prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir à la Communauté sengwer un accès et une utilisation sûrs et sans danger à ses terres ancestrales ;
v. Ouvrir une enquête impartiale et indépendante sur les violations des droits de l’homme commises contre la Communauté sengwer sur ses différents territoires et à traduire en justice les auteurs de ces violations ;
vi. Ratifier la Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala).
Invite tous les acteurs, notamment les partenaires au développement qui parrainent des projets, à s’assurer que lesdits projets sont conçus et mis en œuvre dans le respect des droits des communautés concernées garantis par la Charte africaine et les autres normes régionales et internationales pertinentes.
Fait à Banjul, Gambie, le 22 février 2018