Commission africaine des droits de l’homme et des peuplesDiscours d’ouverture de la 62ème Session Ordinaire de la
Par
Honorable Commissaire Soyata Maiga
Présidente de la Commission Africaine des Droits de l’homme et des Peuples
Nouakchott, 25 avril 2018
Excellence Monsieur le Président de la République Islamique de
Mauritanie ;
Excellence Monsieur le Premier Ministre ;
Honorable Président de l’Assemblée Nationale ;
Excellences Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Honorables membres de l’Assemblée Nationale;
Distingués Délégués des Etats Membres de l'Union Africaine ;
Distingués membres du Comité des Représentants permanents de l’Union
africaine ;
Distingués représentants des Organes de l’Union africaine ;
Honorables Commissaires, membres de la Commission africaine des
droits de l’homme et des peuples;
Monsieur le Commissaire aux droits de l’homme et à l’action humanitaire ; Excellences, Mesdames et messieurs les Membres du corps diplomatique et consulaire accrédités auprès de la République Islamique de Mauritanie ;
Mmes et Mrs les Représentants des organisations internationales ; Mesdames et Messieurs les Représentants des Institutions Nationales des Droits de l’homme ;
Mesdames et messieurs les Représentants des ONGs ;
Distingués invités ;
Mesdames et Messieurs, tout protocole dûment observé.
C’est un insigne honneur et un immense privilège pour moi de prendre la parole à l’occasion de cette cérémonie d’ouverture de la 62ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui se tiendra à Nouakchott en Mauritanie du 25 avril au 9 mai 2018.
Permettez-moi mesdames et messieurs, à l’entame de mon propos, d’adresser au nom de la Commission africaine et à mon nom propre, nos vifs remerciements à Son Excellence Monsieur le Président de la République Islamique de Mauritanie, aux membres du gouvernement, du parlement et à tous les dignitaires ici présents, pour avoir rehaussé cette cérémonie de leur présence.
Excellence monsieur le Président de la République, soyez chaleureusement remercié, pour avoir offert l’hospitalité d’accueillir ici à Nouakchott, les travaux de la 62ème session ordinaire et de donner aux fils et aux filles de notre continent et d’ailleurs, l’opportunité de partager leurs réflexions, leurs expériences et leurs expertises, à la fois, sur leurs préoccupations de nos populations mais également sur les perspectives que nous devons réaliser en vue d’améliorer les conditions d’existence de nos populations en général, et de nos jeunes, de nos filles et de nos femmes en particulier.
Que tous les participants ici présents à ces assises trouvent l’expression de notre profonde reconnaissance pour leur engagement et leur détermination en faveur de la cause des droits de l’homme et singulièrement pour leur soutien indéfectible, multiforme et renouvelé au travail de la Commission africaine.
Je veux saluer la participation de plus en plus active des membres du Comité des Représentants permanents de l’Union africaine à nos sessions. Nous espérons que cette dynamique nouvelle marquera le début d’une étroite et fructueuse collaboration entre nos deux organes, pour l’effectivité des droits de l’homme sur notre continent.
Excellence Monsieur le Président de la République, Distingués Invités, Mesdames et Messieurs;
Comme vous le savez, la promotion et la protection des droits de l’homme est un perpétuel chantier et chaque Session ordinaire de la Commission africaine constitue pour nous et les acteurs impliqués dans la défense des droits de l’homme, le
baromètre temporel, par excellence, de l’évaluation de la situation des droits de
l’homme sur notre continent.
Mesdames et Messieurs les participants, représentants des institutions nationales des droits de l’homme et acteurs de la société civile, vous avez déjà posé des diagnostics en prélude à la Session et durant les prochains jours, nous nous pencherons de façon exhaustive, responsable et collective sur les progrès et avancées réalisés au cours de l’intersession mais aussi sur les obstacles et les défis qui freinent l’exercice et la jouissance effective des droits de l’homme garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les autres instruments pertinents des droits de l’homme régulièrement ratifiés par nos pays.
Au titre des domaines de préoccupation, la Commission africaine demeure hautement inquiète, par la détérioration continue de la situation sécuritaire dans la région du Sahel en général, notamment du fait de la multiplication et de la complexité des attaques terroristes au nord et au centre du Mali ainsi que dans la région frontalière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, les attaques terroristes et les enlèvements des écolières qui se poursuivent au Nigéria. La crise rampante au Cameroun avec le réveil de l'irrédentisme anglophone, la situation sécuritaire et humanitaire en République Centrafricaine, en République Démocratique du Congo suite aux épidémies et à la répression violente des manifestations organisées dans le pays relativement à la question des élections présidentielles et la persistance de la crise politique au Burundi, sont autant de facteurs qui nécessitent une attention et des efforts plus soutenus de la part notamment de l’Union africaine, des Communautés Economiques Régionales et de la Communauté Internationale.
Le drame que vivent les migrants en Libye dont la plupart sont originaires des pays de l’Afrique de l’Ouest, en dépit des opérations de rapatriement mal organisées et insuffisantes, n’a pas révélé dans toute son ampleur le caractère inhumain et dégradant que subissent ces migrants ; et la Commission africaine n’a pu à ce jour diligenter la mission d’établissement des faits dont elle a été chargée par le Président de la Commission de l’Union africaine en dépit, des multiples Notes verbales et correspondances adressées aux autorités de ce pays.
Les expulsions récentes de migrants subsahariens par l’Algérie vers le Mali et la Guinée dans des conditions dites dégradantes par ceux-là même qui les ont subies montrent encore une fois la nécessité et l’urgence pour nos pays de mettre en place des politiques, plans et programmes concertées qui favoriseraient le maintien de nos jeunes dans leurs pays d’origine et à défaut protègeraient les droits des migrants, dans le respect des obligations des Etats parties à la Charte africaine.
S’agissant de la jouissance des droits sociaux et économiques, notamment le droit à l’éducation qui est un droit fondamental qui détermine l’exercice d’autres droits, la communauté africaine est interpelée par la fermeture et la destruction de plus de 400 écoles au Burkina Faso et au Mali.
A tout cela viennent s’ajouter les entraves à la liberté d'expression, de réunion et de manifestation, la persistance de la pratique de la torture et des mauvais traitements dans nos lieux de détention, l’affaiblissement de l’autorité des institutions judiciaires, les contestations politiques au Sénégal, au Togo, au Niger, en Guinée Conakry et en Guinée Bissau, et j’en passe. Les changements des constitutions à des fins personnelles, les représailles exercées contre les défenseurs des droits de l'homme, la surpopulation carcérale, l'insécurité alimentaire, la pauvreté, le
chômage, les taux élevés de mortalité maternelle et infantile évitables, la dégradation de l’environnement et la question cruciale de l’accès à l’eau, l’exploitation et la distribution inéquitables des ressources naturelles, la corruption et son impact sur le développement de nos pays, les violences sexuelles et les discriminations basées sur le genre, les atteintes répétées contre certains individus sur la base de leur orientation sexuelle et l’identité de genre réelle ou supposée sont autant de formes de violations des droits de l’homme documentées dans les rapports qui nous sont régulièrement soumis par les victimes et les différents acteurs impliqués dans la défense des droits de l’homme.
Toutes ces situations interpellent en premier lieu les Etats parties et les leaders politiques qui doivent y apporter les solutions appropriées car il est de leur devoir de prévenir toutes les formes de violations des droits de l’homme et de léguer aux générations futures une Afrique où règnent la paix, la démocratie et l’état de droit.
Excellence Monsieur le Président de la République, Distingués Invités, Mesdames et Messieurs;
Malgré ces défis, des développements positifs ont été enregistrés dans la promotion et la protection des droits de l’homme au cours de la dernière période d’intersession. C’est le lieu ici de citer notamment l'adoption par l'Union Africaine du Protocole au Traité instituant la Communauté Economique Africaine relatif à la libre circulation des personnes, au droit de séjour et au droit d’établissement, l'élaboration d'un document de politique révisée de la migration en Afrique ainsi que d'un plan décennal de mise en œuvre.
Je saisis cette occasion pour inviter les Etats parties à ratifier et à mettre en œuvre ce protocole, qui une fois en vigueur et mis en œuvre de façon effective, permettra une libre circulation des personnes et des biens, facteur primordial d’un développement économique véritable. Je les invite également à s’approprier des recommandations de la politique de la migration et de son plan de mise en œuvre afin de répondre adéquatement aux défis de la migration, particulièrement en ce qui concerne la protection des droits des migrants.
Par ailleurs, je saisis l’opportunité offerte par cette tribune pour rappeler que deux ans après l’adoption du protocole à la Charte africaine des droits de l’homme relatif aux personnes âgées, cet important instrument n’a toujours reçu aucune ratification. A ce jour, seuls 5 Etats l’ont signé. Nul n’ignore que la vie de tout être humain est constituée de trois étapes majeures ; l’enfance, la vie adulte et la vieillesse. Ces étapes inexorables nous attendent tous. Aussi, en ratifiant et en mettant en œuvre ce Protocole, nous prenons soin de nos ainés et partant de nous-mêmes. Il est donc impératif pour nos Etats et nos leaders politiques de prendre les mesures nécessaires en vue de la ratification de cet instrument pour la promotion et la protection effectives des personnes âgées contre notamment la pauvreté, la maladie, l’isolement et l’exclusion.
J’aimerais à ce stade, relever également, pour nous en féliciter, les progrès et les avancées législatives et autres intervenus en République Islamique de Mauritanie, qui pour certains, sont en train d'être appliquées par les instances judiciaires nationales et les acteurs qui les animent, comme en témoignent les récentes décisions de justice sur des cas relevant de la pratique de l'esclavage et de ce qu'il en reste! Il n'y a de protection des droits de l'homme que dans leur accomplissement, dans toute
la plénitude de la loi, au profit des victimes et des citoyens concernés, de façon effective, et non partisane.
Au chapitre de l’espoir et de l’espérance, je voudrais parler de quelque chose qui m’a frappée, la déclaration du nouveau Premier Ministre de la République Fédérale d’Ethiopie qui, lors de son investiture, le 02 Avril 2018, a fait une déclaration, qui, de par sa force et sa vérité, s'adresse à tous les peuples africains ! Je cite : « Nous Ethiopiens, avons besoin de démocratie et de liberté, et nous y avons droit.., ». Il a reconnu et a demandé d'assurer la suprématie de la loi. Selon lui, ce que le peuple cherche, ce n'est pas seulement l'existence des lois mais aussi et surtout la réalisation de la justice, car l'application de la loi est inséparable de la justice. Nous nous félicitons de l’engagement de ce leader de haut niveau à mettre en place les conditions pour un changement démocratique avec plus de droits pour ses concitoyens, comme celui de s'exprimer librement, de s'organiser et de prendre part au système de gouvernance. Nous exhortons tous nos leaders politiques à s’inspirer de ces idéaux en mettant au centre de leurs actions, l’intérêt supérieur de leurs concitoyens.
Je m’en voudrais de ne pas faire mention du processus de démocratisation certes lent mais bien réel, illustré notamment par les récentes alternances politiques à l’issue de la conduite d’élections pacifiques, libres et transparentes au Liberia et en Sierra Leone. C’est le lieu de féliciter pas seulement les autorités mais également les citoyens de ces pays pour ce succès. Mes félicitations et remerciements vont également à l’endroit des candidats malheureux à ces présidentielles qui ont fait montre d’un véritable esprit démocratique en reconnaissant et en acceptant les résultats des urnes. C’est ce que nous attendons de tous nos leaders politiques.
Je saisis l’occasion pour rappeler que la culture démocratique ouverte, reste le meilleur moyen pour nous de prévenir les conflits politiques qui sont souvent sources de graves et massives violations des droits de l’homme sur notre continent.
Excellence Monsieur le Président de la République, Distingués Invités, Mesdames et Messieurs;
Je voudrais rappeler que cette année 2018 a été déclarée par l’Union africaine, année de lutte contre la corruption avec pour thème :"gagner la lutte contre la corruption: une voie durable vers la transformation de l'Afrique".
Comme nous le savons tous, la corruption constitue l’un des facteurs de violation des droits de l’homme de nos populations qui sont souvent contraintes de monnayer les services auxquels elles ont droit.
Je voudrais à ce stade saluer la décision du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA) pour avoir consacré sa 764ème réunion, tenue le 12 avril 2018, à une séance publique sur le lien entre la corruption et les conflits et ses implications sur la paix et la sécurité en Afrique. Cette réunion a conclu notamment que la corruption et la mauvaise gestion des ressources naturelles ont grandement contribué à la destruction du tissu social des communautés et constituent une menace pour la paix et la sécurité en Afrique. A cet égard, le Conseil a souligné l’urgence de prendre des mesures concertées pour développer et renforcer les mécanismes de reddition de compte et de bonne gouvernance à tous les niveaux, dans le cadre global des mécanismes de l'état de droit.
Face à ce cri d’alarme, chaque citoyen est appelé et interpellé, à son niveau d’action ou d’influence, à jouer pleinement et en toute conscience, sa partition en vue de lutter contre la corruption. A cet égard, nous aurons des comptes à rendre de ce que nous aurons fait pour éradiquer ce fléau dans nos lieux de travail, dans nos communautés, dans nos pays et dans nos régions.
La Commission africaine est également consciente de son rôle dans ce combat et
c’est pour cette raison qu’elle a prévu à l’ordre du jour de cette session,
l’organisation et l’animation d’un panel sur la lutte contre la corruption pour échanger sur la question en vue de réfléchir sur les stratégies novatrices pour rendre effective la lutte contre la corruption.
Je voudrais également rappeler que cette année marque la commémoration du 70ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Ce traité comme l’a si bien dit l’Ancienne Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Madame Mary Robinson est « la première expression des droits et libertés de tous les membres de l’humanité». Je vous invite donc à vous joindre aux autres nations du monde pour célébrer les 70 ans d’existence de cet important instrument qui a fortement influencé les rédacteurs de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Avant de conclure, permettez-moi de vous remercier pour vos messages de félicitations et particulièrement pour l’expression de la volonté de soutenir et
d’accompagner la Commission africaine et son Bureau dans l’accomplissement de sa lourde mais noble tâche de promotion et de protection des droits de l’homme en Afrique.
Je n’ai aucun doute que main dans la main avec toutes les parties prenantes, notamment les Etats parties, les organes de l’Union africaine, le système des Nations unies, les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations internationales, la société civile et les partenaires au développement, nous pourrons surmonter les défis persistants et émergeants en vue de la réduction des violations des droits de l’homme et faire de l’Afrique un continent où règne l’Etat de droit.
Je termine mon propos en souhaitant à tous et à chacun une très bonne Session et je fais le vœu que de nos débats débouchent des solutions judicieuses et pérennes dans l’harmonie, la tolérance et le respect mutuel pour que règne la paix en Afrique.
Je vous remercie pour votre aimable attention !